On me sait et on me devine friande de délicatesses pour le palais, mais également de finesses pour l’esprit. Si mon corps se nourrit volontiers de café et de chocolat, mon âme se sustente des pépites dites au quotidien de part et d’autre de mon comptoir. Un comptoir, c’est pour compter, mais c’est surtout pour se raconter.
J’ai converti mon plaisir du goût en métier d’épicière. Quelle occupation merveilleuse ! Elle offre des temps interstitiels propices à l’organisation des mots et des idées, pendant que je pelle la neige, remonte un store, ou prépare une fondue pour quatre personnes, corsée mais pas trop. Heureuse spectatrice d’un infini théâtre, je me délecte de la danse des saisons dans les mélèzes, du récit du temps qui passe sur un enfant qui naît, grandit, puis vous appelle miraculeusement par votre prénom – qu’il associe très prosaïquement à la saveur de la compote -, ou encore de la caricature grinçante des relations ambigües entre monticoles et citadins. Tous ces passagers du vent nourrissent ma pensée d’émerveillements, d’attachements et de deuils, que j’accueille et recueille.
J’assiste à chacune de ces représentations avec ma disposition d’âme du moment. « C’est ouvert. Et l’épicière est de bonne humeur, même quand elle n’en a pas l’air » fût ma devise tout un été. Si j’écris pour être lue, je choisis pareillement de m’installer dans l’auditoire pour regarder ce qui veut être vu et écouter ce qui veut bien être entendu. J’aime ce que je vis, je me réjouis de trouver une nouvelle répartie à chacune de ces sentences aux airs si anodins, mais essentielles à la mise en bouche d’un échange : « Comment ça va ? », « Il fait froid ce matin, non ? », « Vous pensez qu’il y aura beaucoup de neige cet hiver ? », « Quoi de neuf à La Sage, depuis l’an passé ? ». Les dialogues se fabriquent d’eux-mêmes, certains se répètent comme une comptine, d’autres surprennent par la poésie spontanée des mots choisis. L’éloquence propre à chacune et chacun alimente la grande fiction de nos existences. Un ravissement quotidien.
Tout ce qui vit se nourrit. Et tout ce qui se nourrit, vit. De la petite mésange à la grande Solange. Nourrissons-nous de beau et de bon. Rions, dansons, décortiquons nos pensées, comme nous le ferions avec une noix : avec force et appétit, mais également avec cette délicatesse qui préserve le cerneau et le cerveau de se briser en mille morceaux.
Bonjour à toutes et tous, Il y a eu tellement d’amour et de lumière le week-end dernier à La Sage ! Merci à toutes et tous, ce premier rendez-vous des Lucioles était festif et chaleureux. Mieux, c’était magique. Un immense merci à Sylvie Bourban…